Jake

A la naissance, on dit que c’est le plus beau moment de notre vie. Je suis pas sûr d’être d’accord avec ça, pour moi le meilleur moment, c’est la mort de mes vieux. Ça fait salaud de dire ça mais bon, j’ai jamais prétendu être un bon garçon. Ma mère me harcelait de principes moraux et de règles à la noix pendant que mon père tentait de faire de moi un bon parti. Mon amusement dans ma vie jusqu’à leur mort ? Faire en sorte de saloper le plus possible mon image pour qu’ils ne puissent pas diriger ma vie en me mariant. Je pense avoir plutôt bien réussi, la preuve, j’ai pas de bague au doigt, même 250 ans après ma naissance, Mère, vous avez raté la mission de votre vie, dommage pour vous.

Enfin, ils sont morts à mes quinze ans, une délivrance, mais mon mauvais caractère n’a pas disparu. Ils m’avaient fait devenir rebelle et je n’ai pas tenté de changer, je me dissimulais pour mon boulot, mais pas dans la vraie vie, mes relations savaient où se trouvaient mes limites, s’ils les dépassaient, tant pis pour eux, ils étaient prévenues. Mon boulot, oui j’ai oublié d’en parler. Etonnement, j’étais avocat, encore plus étonnant, je m’y plaisais mais bon, c’est peut-être aussi parce que je me servais de cette position pour défendre des grands méchants et coincés d’idiots policiers qui avaient fouiner un peu trop loin ? Je me suis fait un tas de relations comme ça, basé sur des services, un large réseau criminel qui s’est construit lentement… Ne prenez pas de mine étonnée, je n’ai jamais prétendu être un gentil et bon garçon.

Malgré tout ça, j’ai commencé à m’ennuyer, réellement, je n’avais aucun vrai défi, rien ne me résistait assez longtemps pour retenir mon attention, jusqu’à lui. J’étais dans une soirée, organisé par un de mes collaborateurs, un homme assez haut gradé dans la petite mafia du coin et que j’avais mis dans ma poche des années auparavant quand je l’ai croisé. Lui, c’est Gabriel, celui qui m’a ouvert à une nouvelle vie, celui qui m’a appris l’existence des êtres immortels, celui qui m’a appris un monde où le sang se mélangeait au pouvoir, où le sexe faisait oublier toute notion. Je n’ai pas directement été amené au monde des bisounours, quand j’ai croisé Gabriel en train de s’abreuver d’un humain, la première fois que je lui ai dit, c’est que je voulais voir le pire de son monde. La dernière chose que je lui ai dit avant de me faire transformer, c’est que j’apporterais le pire à ses côtés car il était mon ami.

Et c’est une promesse que j’ai tenu. Jamais je n’ai appliqué ce que j’ai appris contre lui ou contre notre groupe. J’ai oublié ma vie humaine, je l’ai mise de côté, je n’ai pas arrêté la fête, je n’ai pas arrêté le sexe, je n’ai pas arrêté de me tisser des relations, j’ai juste changé tous ses trucs pour qu’ils correspondent à mon immortalité. J’ai commencé à apprendre ce que voulais dire la complicité, l’amitié, la vie en groupe. Et j’ai adoré ça. Je me suis découvert de nouveaux aspects de ma personnalité, une nouvelle vie, de nouveaux liens.

J’ai évolué de concert avec Gabriel, je l’ai vu avancer dans ce monde, j’ai veillé sur chaque nouveau Strigoï qui nous rejoignait, sans jamais me faire remarquer sur ce point, je les ai vu également évolué. On peut dire que pour eux, je me sens l’âme d’un protecteur, même s’ils ne le seront jamais à moins d’être observateurs… Ce qu’ils ne sont pas toujours. Je les adore, mais ils peuvent être aveugles quand ils le souhaitent. Comme Gabriel par exemple dans sa situation avec les femmes, surtout avec notre jeune Effy. Encore une femme que j’ai vu évolué, murir et grandir. Une très belle femme, un pouvoir terrifiant mais hypnotisant. Je peux passer des heures à l’observer sans servir, c’est très intéressant de voir les réactions des deux parties, ceux d’Effy et de ses victimes. Un jour, je me suis présenté à elle, c’était notre première discussion. Mes premiers mots à son encontre ont été de lui demander de me montrer ce qu’elle savait faire, qu’elle joue donc de mon esprit, je voulais connaître ce qu’elle pouvait faire. Les derniers mots de cette première rencontre ont été les premiers compliments que j’ai pu lui adresser mais pas les derniers. Immédiatement après, j’ai été voir Gabriel et je me suis assigné de moi-même à sa protection, peut-être l’ai-je intrigué mais je savais Voir. J’étais bien plus observateur qu’ils ne le pensaient tous. Effy qui ne voyait que Gabriel, Gabriel qui ne supportait pas de la voir dans d’autres bras mais ne pouvaient pas la choisir, leurs amants et amantes à côté… Ils allaient tous les deux finir par craquer, par s’entretuer ou par se laisser aller ensemble, mais en attendant, ils sont comme des cocottes minutes et un jour, ils vont exploser… Et je souhaitais être là, autant pour les aider que… pour voir le résultat. Encore une fois, je n’ai jamais prétendu être un gentil garçon.

J’ai pris un peu de temps pour le groupe, je me suis séparé d’eux, me chargeant de me rappeler à d’anciennes connaissances, qu’ils se rappellent de l’existence de notre groupe. On était des protecteurs, des fouteurs de merdes, des tueurs, des manipulateurs. Nous sommes tout, mais nous sommes tout cela en groupe. J’en ai donc profité pour rameuter quelques brebis égarées et les ramener dans le groupe. Maintenant me revoilà dans leurs vies, prêt à les observer agir, prêt à agir quand il le faudra… J’ai des muscles, autant s’en servir donc… Et l’inaction me tuera plus surement que n’importe lequel de nos ennemis, c’est assuré.